Je me baladais sur la grande toile à la recherche des orchidées que je serais susceptible de rencontrer pendant notre voyage, quand sur
ce site, je suis tombée sur l'
Angraecum palmiforme, qui, dit le commentaire, a eu une triste fin.
En effet, cette plante qui évoluait sur l'île Maurice et La Réunion fut décrite en 1822 par Albert du Petit Thouars, et disparu dans la deuxième moitié du XXe siècle, probablement à cause de la civilisation.
Pourtant, en 1999, un spécimen portant des fruits fut découvert et arraché à son milieu pour tenter une reproduction in vitro, dans le but de le multiplier, et, pourquoi pas, de le réintroduire sur l'île. Malheureusement, l'opération échoua, et la plante finit certainement sechée dans un classeur avec d'autres comparses.
Je n'avais jusque là trouvé en guise d'illustration que les gravures de Thouars, datant de 1822. Et cette plante en forme de palmier me fascinait, alors je me suis mise en quête de trouver d'autres documents. Je me suis dit que cette dernière apparition en 1999 avait surement laissé des traces, enfin, soyons logiques, dès qu'une de nos protégées fleurit, on la cribble de photos sous toutes les coutures, alors imaginez, pour une espèce qui était sensée être éteinte..!
Après une longue recherche sur internet, je n'ai pas trouvé une photo valable, en revanche, j'ai trouvé un sacré sac de noeuds à démêler!
J'avais déjà lu que la taxonomie des orchidées n'était pas chose simple. En effet, pour une seule et même plante, il va y avoir une dizaine de botanistes qui vont passer successivement, qui vont décrire la plante, et bien souvent la renommer. Ainsi une plante peut se retrouver avec une dizaine de synonymes, et un nom officiel. Le problème, c'est que quand un nom reste pendant des décennies, et qu'on décide de le changer, il faut encore quelques années avant que le nouveau taxon soit employé couramment par les professionels et amateurs d'orchidées. Par exemple, les trois sections de cirrhopetalum, megaclinium et bulbophyllums ont été il y a peu (reprenez moi si je me trompe) regrouper dans le seul genre de Bulbophyllum. Pourtant chez les producteurs, on trouve encore sur les étiquettes ces trois sections bien distinctes.
Bref, tout ca pour dire que c'est le bazar, et que ca l'est encore plus si l'on utilise les mêmes noms pour des espèces différentes!
Car alors que je commencais mon travail d'investigation, je me suis rapidement trouvée bloquée face à des incohérences. Je l'appris plus tard à mes dépens qu'il ne faut en fait négliger aucun détail dans les documents que l'on peut trouver.
Mais je vous dévoile mes résultats au fur et à mesure qu'ils me sont apparus, car si je vous livre tout de suite la solution, vous ne comprendrez pas la difficulté que j'ai eu à la trouver.
J'ai donc d'abord commencé à chercher sur internet "Angraecum palmiforme". J'ai rapidement atteri sur
Aluka, une bibliothèque virtuelle sur l'Afrique que je vous invite par ailleurs à découvrir, c'est gratuit jusqu'au 30 juin, et vous y trouverez plein de documents sur les orchidées d'Afrique.
Bref, sur ce site, je trouve 'Angraecum linearifolium' Je regarde le document de plus près, plus bas il est écrit 'Angraecum palmiforme'. Des synonymes très certainement.
Je continue mes recherches, et trouve un autre synonyme :
Angraecum palmatum. Je reviens sur Aluka, à la recherche d'indices que je n'aurais pas vu, et je vois, linearifolium, voir aussi umbrosum.
Je vais voir Angraecum umbrosum, et là je trouve une orchidées pas du tout disparue, qui pousse au Malawi, et qui n'a rien de commun avec mon palmiforme.
C'est là que débutent les ennuis!
Je trouve un autre site, a
ngraecum.org, qui m'apprend que mon palmiforme s'appelle également :
Aerobion palmiforme, Angorkis palmiforme, Angraecum palmatum, et bien sur, Angraecum linearifolium.
Je m'empresse de taper Angraecum linearifolium, et voici ce qu'il me répond
Angraecum palmiforme Perrier, accepted name : Angraecum linearifolium
Angraecum linearifolium Cribb, accepted name : Angraecum umbrosum.
C'est finalement grâce à un fichier du CITES, définissant les taxons officiels que j'ai commencé à dénouer le noeud du problème, et à prendre en compte toutes les informations que j'avais.
Voici ce que j'y ai lu:
Angraecum linearifolium Cribb ..........
.. Angraecum umbrosum Angraecum linearifolium Garay Angraecum palmatum ........................... Angraecum palmiforme Angraecum palmiforme H.Perrier ........
Angraecum linearifolium Angraecum palmiforme Thoars Angraecum umbrosum
C'est là que j'ai commencé à prendre conscience que les noms des botanistes qui suivent le nom de l'orchidée avaient vraiment de l'importance. Et tout est devenu limpide quand j'ai regardé les dates à laquelles ils avaient nommées ces bestioles, et quand, y regardant de plus près, je découvris à quelle altitudes elles avaient étées découvertes, ce qui ne laissait plus aucun doute sur leurs dissemblances.
Ainsi, nous avons face à nous 3 espèces différentes.
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Angraecum palmiforme Thouars, synonymes :
Aerobion palmiforme Spreng.
Angorkis palmiformis Kuntze
Angraecum palmatum Thouars
Listrostachys palmiformis Durand & Schinz
Espèce éteinte de La Réunion et Maurice, qui vivait entre 400 et 600m d'altitude.
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Angraecum linearifolium Garay, synonyme
Angraecum palmiforme H.Perrier, que l'on trouve sur Madagascar à une altitude de 2100m
et enfin,
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Angraecum umbrosum P.J Cribb, synonyme
Angraecum linearifolium P.J Cribb non Garay, qui pousse au Malawi, entre 1700 et 1900m d'altitude.
Des taxons officiels différents, donc, mais des synonymes qui se croisent, et qui peuvent laisser les néophytes de la taxonomie que nous sommes complêtement perplexes!
Et comme pour me récompenser de mon travail, alors que j'avais quasiment fini, j'ai trouvé
un site avec quelques photos, pas franchement récentes, mais des photos quand même ( c'est ce que je cherchais à la base!) d'Angraecum palmiforme Thouars.
Et puis, alors que je pensais avoir cloturé mes recherches, j'ai atterri sur
ce document de 2004, qui affirme qu'Angraecum palmiforme serait présent sur le sol réunionnais. Le mystère plane donc encore sur cet Angraecum...